08/03/2007

Double bavure médicale et administrative à l’hôpital d’Epinal.

Le 13 octobre dernier, nous apprenions que  23 patients traités au centre hospitalier Jean Monnet d’Epinal entre mai 2004 et mai 2005 pour un cancer de la prostate, avaient été victimes de doses de rayonnements supérieures à celles initialement prévues pour leurs traitements. Dés qu'il en avait été prévenu, Xavier Bertrand, Ministre de la Santé et des Solidarités, demandait de prendre en charge leur suivi avec rigueur et s’adressait aux services de l’Inspection générale des affaires sanitaires et sociale (Igas), épaulée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), pour mettre en place une enquête. Le rapport commun ASN/IGAS  est un rapport accablant pour tous les niveaux de la prise en charge, du manipulateur qui exécutait la prescription jusqu’aux directions concernées  défaillantes à plus d’un titre.

Ce rapport révèle non seulement de graves erreurs médicales de nature fautives, mais encore des carences inacceptables en matière d’information des patients, d’information des autorités sanitaires compétentes et de prévention des risques.
Les premiers patients porteurs de brûlures graves par sur-irradiation  sont identifiés dés le mois de janvier 2005 ; de mois en mois, le nombre de patients victimes de brûlures par irradiation augmente. En août 2005, l’erreur de surdosage est identifiée par les praticiens du service, transmise à l’ARH et à la DDASS mais contrairement aux bonnes pratiques, aucune alerte n’est faite aux autorités compétentes tel que cela est prévu par le code de la santé publique ( ministère, AFSSAPS, IRSN, ARN, ou préfet).

23 patients sont concernés; seulement sept seront informés de l’erreur qui les concerne. Le rapport note que l’assistance aux victimes est organisée sans concertation et que le suivi se déroule au gré des circonstances !

Plus grave encore, l’absence d’information les expose à des errances diagnostiques, à des examens inutiles et parfois contre indiqués.

Lorsque l’on sait le délabrement dévastateur de telles lésions, la souffrance qu’elles engendrent, le handicap et le retentissement sur la vie privée, sociale et familiale, on peut comprendre le sentiment d’injustice profonde ressenti par les victimes, doublé d’un sentiment d’abandon, et de tromperie, dit le rapport.  Négligés par les radiothérapeutes, négligés par la directrice de l’hôpital, tout un système où l’omerta prospère au détriment des patients.

Car, il faut bien dire qu’au-delà des incompétences des personnes, praticiens radiophysiciens, manipulateurs, directrice, directeur de DDASS et d’ARH, tout le système dérape à partir du non respect des réglementations et des normes  et s’aggrave avec le non respect des signalements des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, c'est-à-dire l’absence de management des risques.

Plus tard, l’en quête auprès des gastro-entérologues de ville révèlera que 44 autres patients passés par le même service, entre 2004 et 2005, souffrent d’effets secondaires. Au total, en dehors de cas accidentels, 30% des radiothérapies réalisées dans cette unité ont entraîné des complications, alors que le risque ne dépasse pas 10% dans les meilleurs services. Les pouvoirs publics ont décidé de fermer «par précaution» l’unité de radiothérapie de l’hôpital Jean Monnet.

Les faits  : Les règles élémentaires de la sécurité des patients ont été transgressées et l’organisation défectueuse n’a pas permis de récupérer les erreurs. Absence de traçabilité, de validation des doses, de vérification de la compétence des personnels d’exécution sont relevées par l’enquête.

Après s’être trompé en voulant optimiser le logiciel qui délivre les doses, le technicien a désactivé les systèmes de contrôle. L' erreur de programmation a été transmise à une manipulatrice qui l’a elle-même transmise à trois autres techniciens. Officiellement, ce n’est que le 15 septembre 2005 que la direction de l’hôpital apprend que six patients passés par son service de radiothérapie présentent des complications inhabituelles. Pourtant, l’étude des dossiers médicaux montre que les premiers symptômes de sur irradiation sont repérés dès janvier 2005 et que certains médecins de ville avertissent les radiothérapeutes de l’hôpital Jean Monnet en mai. Alertée par l’hôpital le 16 septembre 2005, la DDASS ne diligente pas d’enquête pour s’assurer que tous les patients ont été contactés et n’informe pas l’Autorité de sûreté nucléaire, chargée du contrôle du matériel de radiothérapie. Cette dernière ne sera alertée que le 4 juillet 2006. Un mois plus tôt, l’ASN effectuait à l’hôpital une visite de routine pendant laquelle personne ne lui avait signalé le moindre incident. Les coupables seront punis certes, mais les patients garderont leurs lésions. Certains sont déjà décédés.

Nous espérons que Monsieur Xavier Bertrand,  ministre de la santé et des solidarités,  tirera de ce drame, les leçons qui s'imposent et mettra en œuvre rapidement l’une des revendications que nous avons formulées lors des Etats généraux des infections nosocomiales, à savoir la création d’une direction de la sécurité des patients dans chaque établissement, direction pilotée par un gestionnaire de risques bénéficiant d’un statut autonome et protégé comme tout lanceur d’alerte et que le signalement des erreurs, et accidents médicaux prévue par la loi du 4 mars 2002 sera enfin rendu obligatoire par un dispositif  contraignant.
« Art. L. 1413-14. - Tout professionnel ou établissement de santé ayant constaté ou suspecté la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène, d'une infection nosocomiale ou d'un événement indésirable associé à un produit de santé doit en faire la déclaration à l'autorité administrative compétente. »

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